Couchons nous sur les fourmis rouges... (Michel JONASZ)

Chasseur de pucerons, trappeur d'escargots, pinceur de vers de terre ou encore gobeur d'araignées et autres coléoptères, c'est ce que m'a proposé Maurice HULLÉ, scientifique de l'INRA. Trois jours sur l'île GUILLOU dans le fond du golfe du Morbihan à tenter, contre vents et marées, d’échantillonner toutes sortes d'insectes sur des plantes bien particulières. La manip est préparée en amont, bien sûr, et avant tout l'intendance. Maurice est un vieux de la vieille à KERGUELEN, c'est son 5^ème séjour et il n'a pas besoin de moi pour savoir tout ce qu'il lui faudra sur place. Mon aide se résume à faire les courses avec lui à « Kerfour » , le « magasin » de l'IPEV dans le B17 et de charger la voiture. Quelques produits d'épicerie sèche, mais surtout de l'eau, 2 touques, une bouteille de gaz, un groupe électrogène avec sa nourrice c'est ce qu'il nous faut pour pouvoir tenir et travailler.

Maurice emporte également avec lui, microscope et ordinateur indispensables l'un pour observer puis trier nos futures récoltes et l'autre pour expliquer, noter, stocker les données de la journée.

Moyen de transport obligé pour les îles, notre Aventure à nous, le chaland avec nos deux acolytes

Jérome et Lova. Avec nous les Pop Dauphins, Aymeric et Thomas, deux agents de la réserve naturelle qui tentent d'effectuer des biopsies de dauphin de Commerson. Munis d'un appareil photo pour l'un et d'une arbalète pour l'autre, le jeu consiste d'abord à identifier l'animal, puis tenter de faire cette biopsie en envoyant une flèche et enfin de localiser par un point GPS le tir. Faire les trois en même temps c'est très complexe et nous ne verrons aucun tir d'arbalète sur cette rotation de chaland.

A peine déposés nous prenons possession des lieux. La cabane est petite mais largement suffisante pour 2. Un espace « labo » est réservé dans le fond, une cuisine, 4 bannettes, le grand luxe quoi. Pour

l'eau ce sera celle des deux touques que nous avons ramenées de PAF, les toilettes ce sera dehors : « la cabane au fond du jardin ».

Le temps de défaire nos effets et Maurice m'explique déjà le travail à accomplir. Avant tout se familiariser avec le matériel, pas du tout complexe, mais petit et fragile comme nos proies. À notre disposition, nous avons : la barquette pour le tapotage, les pinces pour le pinçage, l'aspirateur pour le « gobage », le pinceau pour le « pinçonage ». On rajoute le crayon pour prendre des notes, le GPS pour les positions, les lunettes loupes, l'appareil photo, les tubes remplis d'alcool (90% ou 99 %), les étiquettes pour identifier les échantillons et le scotch pour maintenir en place les étiquettes. Il faut vraiment un moment pour se rappeler dans quelles poches on a bien pu mettre ce satané crayon ou encore la pince.

Les débuts sont un peu difficiles pour moi. Maurice quant à lui c'est du déjà vu. Alors que je récupère mon premier moucheron il a déjà fini un échantillon. La dure réalité de l'expérience du terrain ! Je persiste, sous les encouragements de mon compagnon de manip. J'attrape de plus en plus vite les petits insectes et je commence vraiment à prendre plaisir à ce travail méticuleux. On échantillonne surtout les pucerons ailés. On recherche des plantes différentes sur lesquelles ils se trouvent : l'acaena bien sur, mais aussi le cerastum, la cotula, le séneçon et évidement le chou de Kerguelen.

Nous sommes déçus, point de pucerons sur le chou. Ils ont déserté cette plante. Qu'importe on va échantillonner des mouches sans ailes, native des îles. Celles là il faut les prendre avec l'aspirateur, espèce de boite transparente sur laquelle se trouve deux tuyaux, un pour aspirer, l'autre pour piéger l'insecte. Je deviens un pro du « gobage ». Sur un seul chou j'en prends près d'une trentaine, j'en ai plus que Maurice, YES ! Je pense pouvoir obtenir mon diplôme de "Pop-Puceron", mais la route est encore longue avant d'obtenir le fameux sésame.

Il faut ensuite récupérer ces insectes, les mettre dans des tubes remplis d'alcool, faire attention à la pluie, au vent, à la neige parfois.

C'est avec le pinceau que cette opération est effectuée. Puis vient le moment de l'étiquette, du scotch, de la position GPS et souvent de la photo.

Le travail ne s'arrête pas là pour Maurice. Retour à la cabane et c'est le tri. Pour ces échantillons pas beaucoup de manipulation ni de déchets, ce n'est pas exactement le cas pour les miens. Même avec les lunettes loupe, ce n'est pas simple. Maurice en pédagogue me montre les transformations des ailes du puceron. C'est flagrant et étonnant, pratiquement plus d'ailes « normales ».

En trois jours, nous ferons deux fois le tour de l'île, dans un sens puis dans l'autre, nous vérifierons une bonne partie des choux, nous soulèverons des cailloux, nous goûterons aux joies de l'acaena et de ses flruits collants, tapoterons au hasard une bonne partie des différentes plantes de l'île, réaliserons des pièges à insectes, avec dans le ciel le vol fantastique des albatros

fuligineux qui nichent sur la barre rocheuse et qui nous accompagnent toute la journée, un chionis espiègle qui vient se poser juste à côté de nous, des cormorans placides qui font semblant de ne pas nous voir et une sterne de Kerguelen joueuse chassant des petites proies dans les algues.

Déjà le retour, le chaland vient nous récupérer. À PAF, on déballe le matériel avec un dernier coup de main pour le rangement, ça fait également partie de la manip. « On part ensemble, on range et on finit ensemble. », belle devise. Ce soir nous mangerons à Ti Ker après une bonne douche bien méritée. Merci

Maurice et si un jour tu souhaites te recycler, l'Education Nationale te tends les bras. Je serai vraiment fier et honoré de t'avoir dans mon établissement à mon retour. 

Pour la petite histoire, Maurice m'a décerné le diplôme de Pop Puceron. Il viendra se ranger avec le peu de distinction que j'ai pu avoir mais il aura une place privilègiée, c'est sur !

Comments

[Levieux]

Exellent, mais je me demande si tu vas te réhabituer à l'éduc. nationale avec tout ça.....